ALBAN DENUIT
Alban Denuit a pris comme fil conducteur de ses œuvres les normes qui déterminent les formes et dimensions des objets de notre environnement. Ces normes sont le résultat de réglementations et contraintes souvent obscures auxquelles nous ne pensons pas ou ne voulons pas penser. Elles conditionnent notre vie et finissent par influencer nos perceptions.
Alban Denuit travaille donc les limites, si l’on identifie la norme à une limite. Il reproduit ces limites, on pourrait dire que paradoxalement, il les fait se dépasser elles-mêmes en les reproduisant. Il ne s’agit pas tant d’une attitude critique vis-à-vis de ce qui pourrait s’interpréter comme le conditionnement de nos perceptions, mais plutôt d’un dévoilement et d’une réappropriation de ce qui structure les formes de notre environnement quotidien. C’est cette dualité entre limite et dépassement qui crée la tension à l’œuvre dans ce travail. Il y a là une discipline qui se transcende elle-même dans le faire manuel. Même si les contraintes imposées par la norme sont scrupuleusement respectées, l’espace où elles viennent se placer soigneusement défini et délimité, il y a comme un écart de langage dans l’action de reproduire à la main ce qui est fabriqué industriellement.
De cette attitude paradoxale jaillit une sorte de distinction et de beauté de ce qui était à l’origine et dans sa fonction le résultat d’un formatage. La feuille de papier A4 dessinée à la main et étirée le long du mur se transforme en une ligne continue.
Alban Denuit métamorphose le regard. Il le fait à partir des déterminations les plus prosaïques, et réintroduit une forme d’imaginaire issu d’un univers où l’on ne s’attendait guère à le rencontrer, celui de la technique et des contraintes qui structurent ses productions.
Marc Desgrandchamps, commissaire de l’exposition des félicités 2009 de l’ENSBA Paris « Mouvement des atomes/Mobilité des formes »